
Dans le contexte actuel, certains notaires communiquent avec nous (la Chambre ou le FARP) pour nous informer d’un litige entre le vendeur et son courtier immobilier concernant le paiement de la rétribution de ce dernier.
En résumé, lorsqu’un vendeur refuse que le notaire acquitte la rétribution réclamée par le courtier immobilier, il est recommandé de prendre une décision après avoir tenu compte des conditions suivantes :
- Existe-t-il un contrat de courtage valide entre le courtier et son client?
- Existe-t-il une clause à la promesse d’achat chargeant irrévocablement le notaire de remettre au courtier immobilier le paiement de sa rétribution?
- Les charges publiées contre la propriété ont-elles toutes été payées?
- Y a-t-il suffisamment d’argent pour acquitter la rétribution du courtier immobilier?
Essentiellement, la clause contenue à la promesse d’achat chargeant le notaire de façon irrévocable à remettre au courtier immobilier le paiement de sa rétribution constitue une stipulation pour autrui en faveur du courtier immobilier et le notaire se doit de la respecter. Nous référons à ce sujet aux articles 1444 et suivant du Code civil du Québec. Le mandat ne peut être révoqué qu’avec le consentement du bénéficiaire de la stipulation pour autrui, soit le courtier immobilier.
Ainsi, en recevant l’acte de vente, le notaire accepte tacitement le mandat de remettre la rétribution au courtier immobilier. Si après le paiement des charges affectant ou pouvant affecter l’immeuble vendu (hypothèque, taxes municipales, etc.), le produit de la vente est insuffisant et ne permet pas le paiement de la rétribution, les tribunaux considèrent que le notaire ne peut en être tenu responsable. Si le vendeur conteste le montant de la rétribution, nous indiquons aux notaires que le vendeur doit faire valoir ses droits directement auprès de son courtier immobilier.
En tout temps, nous indiquons au notaire qu’il n’appartient pas au Fonds d’assurance de donner des directives à leurs membres concernant les déboursés à effectuer on non dans leur dossier. Il est de la responsabilité du notaire de prendre cette décision.
Quelques décisions éclairantes
Pour prendre une décision éclairée, nous invitons les notaires à consulter les décisions suivantes :
- Century 21 Veston Or inc. c. Milburn et Perreault inc. 505-05-000622-891, 15 mai 1992. Dans cette affaire, le tribunal a retenu la responsabilité du notaire qui avait ignoré la clause de stipulation pour autrui prévue à la promesse d’achat et qui avait remis le solde du prix de vente au vendeur sans acquitter la rétribution du courtier immobilier, et ce, à la demande du vendeur. Le tribunal y rappelle les principes de la stipulation pour autrui.
- Les Immeubles G.R. Lauzon inc. c. Pavillon Whitefish (1989) inc., JE 96-1510 (CS). Dans cette affaire, le tribunal indique qu’en présence d’une clause chargeant irrévocablement le notaire instrumentant de remettre la commission au courtier immobilier à même le produit de la vente, celui-ci aura un recours contre le notaire qui refuse de lui verser ladite commission. Toutefois, le notaire ne commet aucune faute envers le courtier immobilier si les fonds provenant du produit de la vente sont insuffisants pour acquitter la commission.
- Distribution Paulo Spence inc. c. St-Arnault, AZ-50117154 (CQ). Encore une fois, le tribunal en vient à la conclusion que la clause contenue dans une promesse d’achat acceptée, stipulant que le notaire devra remettre la commission au courtier immobilier en prélevant la somme à même le prix de vente, doit être considérée comme une stipulation pour autrui. Aussi, le tribunal mentionne que dans la mesure où nous sommes en présence d’une stipulation pour autrui valide, la somme due à l’agent immobilier ne tombe pas dans le patrimoine du vendeur et ne pourrait donc pas faire l’objet d’une saisie visant les biens du vendeur, entre les mains du notaire.
- Brasseur c. Larivière, 2002 QCCQ 29846. Dans cette affaire, l’avocate du demandeur écrit au notaire pour lui donner instruction de ne débourser aucune somme au courtier immobilier et de retenir toute somme dans son compte en fidéicommis. Le notaire verse toutefois au courtier immobilier le montant de sa rétribution. Le tribunal est d’avis qu’un notaire ne commet aucune faute en se conformant à la stipulation pour autrui prévue à la promesse d’achat et en payant les sommes dues au courtier.
- Société Immobilière MCM inc. c. Durocher, 2008 QCCQ 7761. Dans cette affaire, le notaire n’avait pas acquitté la rétribution du courtier immobilier au motif qu’il n’avait jamais reçu, avant la transaction, la facture du courtier immobilier. Ce n’est que 16 mois plus tard que ce dernier s’est manifesté auprès du notaire et requis le paiement de sa rétribution. Le tribunal, sur la base des principes de la stipulation pour autrui, rejette la défense du notaire et le condamne au paiement de la rétribution.
Voir également la décision suivante qui peut être pertinente :
- Beau/Lieu 2010 Ltée c. 9299-9747 Québec inc., 2020 QCCQ 8101. Il s’agit d’un autre cas où le courtier immobilier poursuit le vendeur et le notaire pour le paiement de sa rétribution. Malgré que la promesse d’achat chargeait le notaire de façon irrévocable à verser au courtier immobilier le montant de sa rétribution, le notaire n’acquitte pas celle-ci en raison du refus du vendeur. À la demande de ce dernier, le notaire conserve les fonds dans son compte en fidéicommis. Le tribunal résume les questions en litige pour conclure à l’existence d’un contrat de courtage valide et à la présence, à la promesse d’achat, d’une clause de stipulation pour autrui en faveur du courtier immobilier. Le tribunal condamne le vendeur à verser la rétribution au courtier immobilier. Il ne retient toutefois pas la responsabilité du notaire étant d’avis qu’il a agi avec prudence, diligence et impartialité en décidant de conserver les fonds en fidéicommis.
Cette décision réitère les principes établis par la jurisprudence. Toutefois, le tribunal, tenant compte des faits particuliers de cette affaire, conclut qu’il ne revenait pas au notaire de trancher le litige et de se substituer à un juge.